L’Exploration Vidéo-ludique pour les animateur.ice.s ! #3 – DEFCON : Everybodies Dies

DEFCON : Everybody Dies : Le seul moyen de gagner est de ne pas jouer.. ou de perdre le moins!


Ce n’est pas pour rien qu’on appelle la bombe atomique une arme de dissuasion massive. Tout le monde en a peur, et personne n’oserait envisager une utilisation massive de ces bombes. Mais moi personnellement, ça fait longtemps que j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la  bombe.

  DEFCON : Everybody Dies est un jeu de wargame* (stratégie en temps réel) de guerre thermonucléaire. Sorti en 2006, il a été développé par la boite britannique Introversion Software qui ont plus tard créé Prison Architect. Le jeu est développé sous le même moteur de Darwinia, un autre jeu créé par la même boite. Le jeu a reçu un très bon accueil (84 sur Metacritic, 89% de votes positifs sur Steam)  

  • Disponible sur PC, Mac OS et Linux 
  • PEGI 7 (mais avec un thème sérieux) 
  • 9€, promotions fréquentes sur Steam 
  • Peut être tourné sur un PC de bureautique ou une vielle machine 

Le menu principal de DEFCON.

On dit souvent que le menu d’un jeu vidéo nous en dit long sur son ambiance, ses thèmes abordés et son contenu qui va suivre.

DEFCON fait sans aucun doute partie de ce genre jeu. 

En général, il est commun pour un jeu de faire une brève présentation de son histoire avec une introduction ou même un récit simple accompagné d’images. DEFCON ne fait pas ça ; ici nous sommes directement transportés vers le menu du jeu, dans une ambiance de climatiseur industriel et de bruits de voix incompréhensible d’une radio, avec une image d’un globe sous une esthétique de guerre froide. Ce tout crée une atmosphère oppressive dès le début. 

Deuxième bifurcation d’un jeu traditionnel ; pas de mode d’histoire. Certes, il est commun aujourd’hui d’avoir des jeux uniquement multijoueur sans histoire mais en 2006 même les jeux qui étaient joués majoritairement en ligne proposaient une trame solo, un jeu de la même franchise qui était solo (Unreal ou Warcraft) ou une histoire qui était disponible hors gameplay (comme des comics avec Team Fortress 2 et Overwatch, ou des séries avec League of Legends) 

Mais dans DEFCON : Everybody Dies ; pas d’histoire, pas de contexte pas de lore. Et ça n’est pas important. Car dans ce jeu, vous prenez le contrôle d’un continent uni lors d’une guerre thermonucléaire. Votre seul et unique but est de détruire toutes les villes de vos ennemis, et d’éviter qu’un maximum des vôtres soit soufflé par le feu nucléaire. 

Wargame : Genre de jeu (de table, de rôle, jeu vidéo…) sous thème de guerre focalisé sur la tactique et la stratégie militaire. 

Lore : l’Histoire globale d’une œuvre de fiction qui ne constitue pas la trame principale de ladite œuvre. Elle sert souvent de contexte ou d’une histoire passé pour mieux comprendre ou servir l’histoire principale. 

L’écran principal de tout le jeu.

C’est dans cette carte du monde que tout est décidé, planifié et exécuté.

Vous trouverez vos bâtiments, vos villes agrandies selon leur nombre de population et vos unités navales et aériennes. 

Ainsi le jeu peut donc être joué soit en multijoueur, local ou par serveur, soit contre l’IA. Un tutoriel est aussi proposé, recommandé avant de réellement commencer le jeu. Une partie moyenne dure entre 1h et 1h30 où le jeu passera par 5 phases distinctes : 

Les 5 phases du DEFCON : 

  • Phase 5 – Mobilisation (6 minutes) : Les joueurs-euses placent des bâtiments dans leur territoire (Radars, Aéroports et Silos) puis leurs navires dans leurs eaux (Sous-Marins, Navires de Guerres et  Portes-Avions). Aucune action hostile n’est autorisée. Tout bâtiments qui ne sont pas posés sera perdu, alors attention ! 
  • Phase 4 – Reconnaissance (6 minutes) : Les forces navales et aériennes pourront être utilisées pour la reconnaissance, afin de pouvoir découvrir les positions ennemies. Les radars seront mis en service et détecteront toute intrusion ennemie ou bâtiments qui sont sur leurs portés. L’hostilité n’est toujours pas autorisée. 
  • Phase 3 – Eclatement (8 minutes) : Le combat entre forces navales et aériennes est autorisé, seulement avec les armes non nucléaires. Les bombardiers peuvent bouger mais n’ont pas le droit de lâcher leurs contenus. 
  • Phase 2 – Escalade (10 minutes) : Les règles sont les mêmes que pendant la phase 3, juste que l’intensité générale augmente et qu’il faut se préparer face à ce qui va venir. Car… 
  • Phase 1 – Annihilation (Finale) : Phase la plus longue et la plus importante, car l’usage d’arme nucléaire est ouvert. Missiles à longues distance des silos, bombes des bombardiers ou missiles sous-marin, tout est débloqué. Il ne reste plus qu’à désigner des cibles.  
  • Fin : Lorsqu’il n’y a presque plus de têtes nucléaires restantes, un compteur apparaît pour savoir qui sera le gagnant à la fin. 

L’une des phases du jeu avant l’apocalypse nucléaire. (Phase 2)

Il faut éliminer tous les obstacles, radars, aéroports et silos.

Ainsi, nos missiles pourront tranquillement exploser dans les villes ennemies. 

Si vous saisissez tout ça, vous avez compris tout le dérouler du jeu. Ceci dit, il faut encore voir certains points importants. Il y a 4 vitesses possibles : Lente, Normal, Rapide, Très rapide. Si vous trouvez que le jeu est lent ou qu’il ne se passe pas grand-chose, augmentez d’un cran. Sachez que chaque unité et bâtiments ont des caractéristiques spéciales, des qualités et des défauts qu’il faudra prendre en compte lors d’un combat. 

Par exemple, et c’est très important, les silos peuvent passer en mode défense pour pouvoir contrer les missiles qui viendraient sur vos villes. Aussi, les aéroports régénèrent les avions, mais pas les bombardiers (qui sont très précieux) ! Bombardiers qui d’ailleurs peuvent passer en mode attaque conventionnel ou en attaque nucléaire. Il y a encore plein de subtilités qui rajoutent beaucoup au gameplay fondamental du jeu. 

Parce que fondamentalement, DEFCON est un jeu de stratégie qui se repose sur la prédiction des attaques ennemis, le placement des bâtiments et unités selon la région choisie et sur la diplomatie quand on joue multijoueur ! Très simple à comprendre mais difficile à maitriser ; plusieurs stratégies peuvent être mises en place comme par exemple ; focaliser toutes les unités sur une même cible ou sacrifier certaines villes pour mieux protéger les plus importantes. 

L’écran de diplomatie est là où vous pourrez signer (ou rompre) des cessez-lefeu ou des alliances.

Il faudra parfois voter si on est plusieurs dans une alliance.

Vous n’êtes jamais à l’abri d’une trahison. 

Agir n’importe comment vous assurera une défaite certaine, il est vital de penser à une stratégie ou même à un plan pour au moins progresser dans le jeu. C’est pour cela que DEFCON se rapproche beaucoup du jeu d’échecs, avec plus de mécaniques, mélangé à de la diplomatie, de la prédiction et parfois de la réaction ! 

Mais pendant qu’on parle comme des bellicistes, certains d’entre vous aurez surement remarqué la direction artistique particulière du jeu. Et c’est ce point très important qui a rendu célèbre DEFCON. Derrière une façade d’un gameplay basique se cache une profonde critique très subtile de la guerre mais surtout des armes nucléaires, dans une atmosphère troublante. Subtil, car le jeu ne l’explicite pas ou pas beaucoup, c’est à travers sa très bonne DA qu’il réussit à faire passer son message. 

Vous vous souvenez du menu ? Son aspect froid et oppressant ?          Eh bien, tout le jeu est comme ça. Lourd, pesant, et plus particulièrement déprimant. Comment ? Déjà par son choix graphique. Une carte du monde d’un ton bleu, où les villes ne sont que des icônes et ses habitants des chiffres. Les couleurs des unités et missiles envoyés contrastent avec l’arrière-plan, appuyant bien l’esthétique de guerre froide. Les effets, la police d’écriture, les symboles… tous ces éléments renforcent l’impression d’être en face d’un écran d’une grande salle de guerre. Là où la vie de milliards de gens est en… jeu. 

Chaque ville touchée sera réduite de 65%.

A l’impact, un gros texte apparaîtra, comptant le nombre de pertes civiles par millions.

Une partie moyenne se termine souvent par la mort de millions, voire de milliards. 

L’un des meilleurs aspects du jeu est la conception du son.      Les effets sonores vont d’échos électriques lorsqu’on ordonne une action, aux sons d’alarmes indiquant une attaque, jusqu’au léger bruit sourd d’une explosion atomique suivi d’un silence seulement interrompu par la musique. Il y a peu de musiques dans DEFCON et pourtant ils sont largement suffisant à installer une atmosphère de désespoir, une sensation que le monde meurt doucement alors que les joueurs se battent dans une guerre jusqu’à l’annihilation. 

Parti d’un fond simple, c’est la forme très bien exécutée qui rend le jeu mémorable. Beaucoup de gens ont affirmé que DEFCON les rendait tristes voire qu’ils en avaient carrément peur, certains-nes l’adressant comme le jeu de stratégie le plus effrayant. Moins la peur de l’épouvante, c’est ici le concept de guerre thermonucléaire tel qu’il est présenté par DEFCON qui effraie les joueurs-euses, une situation dangereusement proche de notre réalité actuelle. 

Introversion Software a réussi à incrémenter une critique de la guerre nucléaire à travers les mécaniques d’un jeu de wargame auquel le joueur-euse prend part à des actions atroces mais sans images, ni dialogues pour les décrire, juste un compteur de mort et notre imagination. Et malgré ses défauts (Répétitif, peu de contenu et ne convient pas à tout le monde) DEFCON est absolument unique en son genre et a inspiré quelques jeux de stratégies sortis bien après. 

Conclusion : explicitement inspirés de films sur la thématique de guerre nucléaire (Wargames, Docteur Folamour) DEFCON : Everybody Dies utilise le genre de stratégie pour, en exploitant ses codes, créer une dérision dans lesquelles les joueurs participent à la contribution de la fin du monde en jouant à un jeu. Personne ne gagne, mais à la fin une personne perdra le moins. Un jeu étrange car au final, pour que tout le monde gagne, personne ne doit jouer. 

>Si on faisait une petite partie d’échecs ?”